La cuisine des fleurs par Charlotte de Bouteiller

Un dossier de Charlotte de Bouteiller, hypnothérapeute et nutrithérapeute, pour prolonger l’été et faire de la biodiversité une ressource alimentaire diversifiée, indispensable à notre santé.

La France est en déficit de fleurs d’après une étude sur les polinisateurs en forte diminution comme les abeilles victimes des pesticides, alors qu’ils sont essentiels pour continuer à polliniser fleurs, légumes, fruitiers. Aussi, faire pousser des légumes ou des fruitiers en pot ou en massif avec des fleurs n’est pas incompatible. On peut également choisir des plantes à fleur comestibles. L’amarante, par exemple, produit des graines comestibles d’une grande valeur nutritionnelle et ses feuilles se consomment comme des épinards.

Ce dossier a pour but de vous proposer de faire de la biodiversité une ressource alimentaire diversifiée, indispensable à notre santé. Le réchauffement climatique nous permet de mettre sur nos balcons, dans nos jardins petits ou grands, des variétés éventuellement très exotiques que nous n’aurions jamais imaginé cultiver. L’exemple de l’olivier, déjà bien implanté en Île-de-France, démontre qu’on peut y cultiver les plantes autrefois réservées au pourtour méditerranéen. Il existe toutes sortes de variétés qui produisent des fruits ne demandant aucun entretien.

C’est une autre façon de penser l’espace disponible, de faire un jardin nourricier sans en avoir l’air. J’espère que cet article vous ouvrira des horizons auxquels vous n’avez peut-être pas eu le temps de réfléchir. Il a également l’avantage de protéger la biodiversité. C’est un geste pour vous et pour la planète qui de surcroit est une aide non négligeable pour la santé.

Notre assiette s’appauvrit d’année en année et cela devient problématique pour conserver une santé au travers de notre microbiote en lui apportant des micro-nutriments essentiels. Ceux-ci sont le plus souvent consommés en compléments alimentaires alors qu’on peut les trouver dans les végétaux cultivés.

A gauche : pied de tomates. A droite : amarante blanche au milieu des fleurs de cosmos sulfureux, une plante utilisée en médecine traditionnelle, pour ses propriétés antioxydantes. Les feuilles du cosmos sulfureux sont consommées crues (en salade).

Sommaire :

  1. Les fleurs comestibles
  2. Le pouvoir des couleurs
  3. La cuisine du jardin
  4. Des trésors nutritionnels ignorés
  5. Recettes santé

1. Les fleurs comestibles

Pas seulement un effet de mode

Si, aujourd’hui, les grands chefs mettent des fleurs dans leurs plats ou leurs desserts, cela n’a rien de nouveau ; c’est plutôt un renouveau des pratiques ancestrales du monde entier.

De l’Orient, on connait l’eau de rose, l’eau de fleur d’oranger ou de jasmin qui parfument les confitures, les loukoums… En Asie, c’est la fleur du cerisier, de l’hibiscus, de la monarde… qui agrémente les thés ou les gâteaux. En Occident, nos grands-parents connaissaient les beignets de fleur d’acacia ou de courgette, les boissons, sirops, liqueurs de fleur de sureau, d’aubépine, de rose, de violette ou de coquelicot…, sans parler des légumes-fleur : les choux, les boutons floraux de l’artichaut ou du cardon. La fleur de crocus produit le safran utilisé comme épice ; le tilleul, la fleur de thym sont consommés en infusion.

On trouve sur le site Gallica d’anciens livres de recettes traitant des fleurs dans la cuisine. Certaines datent du XVIIeme siècle et étaient probablement déjà utilisées aux siècles précédents. On lit dans l’ouvrage « L’art de conserver sa santé » publié en 1848 par Myèvre Verger, traduisant un manuscrit médiéval de l’Ecole de médecine de Salerne :

La sauge et la rue ont le don
De rendre saine une boisson.
Si l’on y joint la fleur de rose,
Rien ne tempère mieux l’ardeur que l’amour cause
Pour dissiper l’ivresse et chasser la migraine,
La violette est souveraine ;
D’une tête pesante elle ôte le fardeau,
Et d’un rhume fâcheux délivre le cerveau,
Guérit même l’épilepsie.
Le safran réconforte, il excite la joie,
Raffermit tout viscère et répare le foie.

Nos ancêtres consommaient autant de plantes sauvages issues de la cueillette (herbes, fleurs, épices, baies) que de légumes cultivés.

Plus qu’on ne l’imagine, les fleurs ont fait de tout temps partie d’un patrimoine culinaire ancestral.

A l’époque médiévale, peu de fleurs ornementales sont cultivées hormis les roses, l’iris et le lys. On apprécie en revanche les plantes médicinales florifères : l’ancolie, la giroflée, la jonquille, la marguerite, le muguet, l’œillet, la pervenche, la primevère, le souci, la violette… Plus tard sera cultivée la violette, la pervenche, la giroflée, l’œillet, la pivoine…

On en confectionnait des couronnes, des jonchées, des bouquets pour les fêtes religieuses ou païennes. Dans la cuisine, les plantes médicinales florifères se retrouvent aussi bien dans les boissons que dans les mets comme les soupes aux herbes, dans les gâteaux, les préparations à base d’œuf qu’elles viennent rehausser. On consomme déjà l’amarante, la feuille de betterave, le cardon, la bette…

Que nous apportent les fleurs dans la cuisine ?

Comme le disait en 1886 dans son « Traité sur l’art de travailler les fleurs en cire », le célèbre maitre cuisinier Auguste Escoffier : « Appliquons-nous donc à l’ornementation artistique de mets savoureux que nous livrons à la dégustation des connaisseurs ; séduisons leurs yeux aussi bien que leur palais… ».

Les éléments principaux que l’on retrouve dans les fleurs sont par exemple :

Toutefois relativisons : la quantité florale dans la cuisine ou l’assiette peut apporter un plus mais la quantité est insuffisante pour qu’elle soit garante seule de bonne santé.

Elles sont surtout utiles pour en faire des sirops, confitures ou des boissons estivales comme les fleurs de sureau, pétales de roses, violettes…

On fait également des boissons, sirops ou confitures avec les baies du sureau qui a intérêt thérapeutique.

Avec les fleurs ou les boutons floraux, ou encore les fruits de ces fleurs (cynorrhodons, fruits des rosiers), on fait également des conserves :

Parmi les fleurs comestibles :

La sauge officinale : salvia en latin qui veut dire « sauvé ». Des feuilles séchées, on extrait une huile essentielle contenant de la thuyone, du bornéol, du cinéol et du camphre, des terpènes, salvine et picrosalvine, des sucs amers et des tanins. La sauge est employée en tisane contre les affections gastriques et intestinales, la diarrhée, les ballonnements et la transpiration nocturne excessive. En cuisine, on utilise les feuilles dont on fait des sauces au beurre pour les pâtes, les gnocchis, les poissons, les viandes de porc ou de volailles… ; elle sauve les plats grâce à sa saveur puissante qui lui donne du caractère, mais aussi à ses fleurs qui sont encore plus exquises. Elle remplace avantageusement le thym ou le romarin dans toutes les recettes mais ne supporte pas la présence d’autres herbes. La feuille est employée dans la préparation du célèbre fromage d’Époisses en Bourgogne.

Cependant, toutes les plantes et fleurs ne sont pas comestibles. La cueillette se fait avec un guide si vous ne vous y connaissez pas en botanique car certaines plantes sont toxiques. Heureusement, très peu sont mortelles dans la flore européenne.

Les plantes à éviter :  laurier-rose, digitale, datura, belladone, aconit, ciguë…

Apprendre les bases de la botanique afin de les reconnaître

Deux pistes possibles :

Le magnifique livre de François Couplan : « Plantes sauvages comestibles » dont vous avez un aperçu sur YouTube avec cette vidéo : « Les bienfaits nutritionnels des plantes sauvages comestibles ».

Vous pouvez également voir des vidéos pédagogiques sur le net, telles que par exemple « 12 plantes sauvages dans les jardins » de la chaîne Le Chemin de la Nature.

2. Le pouvoir des couleurs

Ces pigments naturels qui colorent les végétaux

A l’instar des fleurs, certains légumes attirent plus que d’autres par le pigment naturel des côtes, des feuilles, des pétales ou encore des fruits, car chacun d’eux comporte des caractéristiques et des nutriments différents.

Cardon en fleurs
Cardons en fleurs

Pourquoi manger des couleurs ?

Comme vous pouvez le constater, les végétaux selon les couleurs apportent des micronutriments différents selon leur couleur. Il faut donc en manger régulièrement de toutes les couleurs.

L’assiette nutritionnelle journalière parfaite comporte au moins trois couleurs. On estime qu’on consomme ainsi les éléments les plus importants pour l’entretien de notre microbiote (le cerveau que nous avons dans l’intestin) afin que les bonnes bactéries s’y développent.

Les chercheurs espèrent découvrir depuis des années le secret d’une longévité en bonne santé. Pour cela, ils ont comparé le séquençage du microbiote des centenaires, des citadins et des ruraux, sur tous les continents.

Le microbiote vieillit avec l’âge et se dégrade à cause du mode de vie, du stress, des polluants, des pesticides en éliminant les bonnes bactéries. Ceux qui vieillissent le mieux sont ceux dont le microbiote est peu ou pas dégradé.

On peut ainsi connaître l’âge d’une personne grâce à ce séquençage. Le microbiote des centenaires comporte deux fois plus de bonnes bactéries que celui de la plupart des citadins et font beaucoup plus jeune que leur âge légal. Pour bien vieillir, il faut donc d’entretenir cette bonne santé nutritionnelle :

3. La cuisine du jardin

Les 5 sens du jardin médiéval

Le jardin médiéval

Au XIème siècle, la résidence seigneuriale se mue en forteresse, le clos utilitaire se trouve hors des murs de défense. Sacré ou profane, le jardin médiéval est celui des cinq sens (la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût).

C’est, comme le paradeisos, un jardin des délices protégé par une clôture de claies, de palissades, de haies ou de murs. On y distingue plusieurs espaces spécialisés dont les trois formes principales sont le jardin de la santé, le jardin de l’âme et le jardin de l’amour.

Le verger est le jardin préféré du Moyen-Âge. Selon les poètes et écrivains comme Guillaume de Lorris dans son célèbre Roman de la Rose (1238), c’est le jardin idéal, onirique et allégorique, celui de la rencontre amoureuse, le lieu de plaisance, à l’instar du paradis terrestre. C’est le jardin d’amour.

Le livre des simples médecines d’Hildegarde de Bingen

Hildegarde de Bingen fonde en 1150 avec quelques sœurs un monastère sur les rives du Rhin. Reconnue par ses pairs pour son savoir et sa force spirituelle, soutenue par la papauté, l’abbesse de Bingen associe dans une même représentation du monde l’observation naturaliste, la composition de manuels médicaux, de poésie ou de musique.

Dans son liber simplicis medicinae ou Livre des simples médecines, elle propose près de 300 plantes dont une partie sert à la cuisine, l’autre à la médecine, souvent aux deux. La qualification de chaque plante, avec son indication, sa ou ses contre-indications et sa valeur médicinale, découle de sa relation avec l’un des quatre éléments décrits par Hippocrate : chaud, froid, sec, humide. Pour prescrire ces plantes, l’abbesse utilise le principe de similitude et la loi des contraires. Cette pratique perdurera jusqu’au XVème siècle.

Jusqu’au XIXème siècle, le marché aux herbes désigne tout à la fois les légumes, les herbes aromatiques, les herbes médicinales, les fruits, par contraste avec les nourritures animales.

Depuis la nuit des temps, les peuples préhistoriques accumulèrent empiriquement tout un ensemble de connaissance sur les effets des plantes. La chasse étant dévolue aux hommes, la collecte des herbes et leur administration incombait aux femmes qui furent ainsi les principales détentrices du « pouvoir médical ».

Elles occupent une place importante dans l’art de guérir jusqu’aux XIVème et XVème siècles. On leur laisse la possibilité de cultiver ce qu’elles souhaitent, le jardin est leur domaine, comme en témoigne le livre « Les Grandes heures » d’Anne de Bretagne, où figurent 337 plantes, avec leur nom latin et français, magnifiquement illustrées par Jean Bourdichonpeintre à la Cour de France.

Un potager sans en avoir l’air, même en milieu urbain

Le Château de Villandry a montré depuis de nombreuses années les avantages d’un jardin potager décoratif qui continue d’évoluer d’années en années.

Sans vouloir l’imiter et dans un esprit plus contemporain et libre, on peut tout à fait s’en inspirer si on a la chance de disposer d’un balcon, un petit ou un grand jardin, sans avoir le temps ni l’énergie pour faire un potager, planter des légumes décoratifs.

Un jardin nourricier sans en avoir l’air, c’est possible sans entretien spécifique. Certaines plantes potagères sont particulièrement décoratives. Pour les repérer, les catalogues des grainetiers en ligne sont de très bonnes sources d’inspiration.

Pour les balcons

Que ce soit au soleil ou à mi-ombre, vous trouverez toujours des végétaux qui pousseront dans les pots ou les bacs. On ne pense presque jamais à mettre en pot des légumes décoratifs. Beaucoup pourtant personnalisent les potées et nourrissent par la même occasion, fleurs et légumes se marient à merveille, il n’y a aucune raison de s’en priver.

Pour les petits jardins

Capucines
Amarante
Lupin
Agastaches rugosa

Pour les plus grands jardins

Poivrier du Sichuan
Goyave Ananas

4. Des trésors nutritionnels ignorés

Pensez à ces plantes dites « mauvaise herbe ». Des trésors nutritionnels se cachent peut-être dedans comme l’ortie, championne toute catégorie de bons nutriments avec laquelle on fait des soupes, des quiches, des pestos, des jus de légumes, en tisanes pour calmer les allergies saisonnières.

Il y a aussi le plantain lancéolé qui était cultivé et consommé autrefois comme salade, une plante « couteau suisse » qui calme instantanément toute piqure d’insecte (les boulettes arrêtent les saignements du nez…), les mauves, les armoises, les moutardes

Une consommation de plantes différentes enrichit la flore intestinale et vous garantit une meilleure santé. Les populations de cueilleurs vieillissent en meilleure santé grâce à cette diversification.

Deux pistes pour trouver les végétaux qui vous intéressent :

Après vous pouvez commander sur le site ou bien aller dans des pépinières en Ile-de-France, en connaissance de ce que vous recherchez.

5. Trois recettes santé pour cuisiner les fleurs

Beurre de fleurs

Ce beurre peut se faire avec toutes les fleurs fraîches parfumées : lavande, romarin, thym, violette, nepeta, bleuet pour les tons bleus ; fleur de basilic, capucine, œillet, rose, trèfle incarnat pour les tons rosés. Il est délicieux pour accompagner les viandes froides en sandwich pour le pique-nique par exemple, les poissons fumés avec des fleurs de bourrache

• Pour 250g de beurre salé ou doux ramolli, ajouter les fleurs (40 brins de lavande ou de fleurs mélangées) à la fourchette ; mouler en forme de rouleau ou avec un moule à biscuit ; laissez-le durcir tout une nuit au réfrigérateur dans un papier sulfurisé pour que le beurre s’imprègne des arômes.

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Glace aux pétales de rose

Ingrédients

Préparation

Préparez un sirop avec 2 dl d’eau et 200 g de sucre. Ajoutez le jus des citrons et les 3 cuillérées à soupe de sirop de pétale de rose.
Si vous utilisez une sorbetière, laissez prendre 10 mn. Ajoutez les blancs d’œuf battus en neige puis laissez prendre encore 10 mn.
Si vous préparez cette glace dans le compartiment à glaçons du réfrigérateur ou dans le congélateur, battez les blancs d’œuf en neige très ferme, incorporez-les délicatement à la glace à demi-congelée et remettez à congeler.

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Champagne de fleurs de sureau

Ingrédients

• 10 grandes ombrelles de sureau noir • 5 l d’eau •350 g de sucre de canne • 3 citrons bio
• 1 passoire • 1 grand saladier • 1 torchon • 1 entonnoir • des bouteilles hermétiques.

Préparation 

Enlevez les tiges des fleurs de sureau car elles sont amères. Mettez-les dans un grand saladier et versez l’eau dessus, puis le jus obtenu des citrons pressés. Ajoutez le sucre. Mélangez bien avec une cuillère en bois. Couvrez le saladier d’un torchon et placez-le dans un endroit lumineux.
Laissez macérer 2 à 5 jours pour qu’il fermente en remuant chaque jour.
La fermentation est arrivée à terme lorsque le mélange est légèrement pétillant.
Filtrez en utilisant une passoire fine ou une étamine de gaze dans un entonnoir. Versez-le dans des bouteilles qui ferment avec un clapet. Laissez les bouteilles à la lumière pendant au moins une semaine, le temps que la gazéification soit complète.

Dégustation : Servir ce champagne bien frais.

Vous trouverez beaucoup de recettes sur le net de ces boissons rafraîchissantes qui reviennent à la mode et sont bonnes pour la biodiversité et notre santé.

Charlotte de Bouteiller 
Articles Nutrition
Recettes Santé

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Lauracalendar16 Mai 2023

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Entrevue avec Tiffany Serna, ergothérapeute, à Bagneux (92), qui travaille avec les pédiatres pour aider les enfants en situation de handicap à gagner en autonomie dans leur quotidien.

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